En fait, Internet n’existe guère plus.
Si les app’s remplacent les sites web, on peut dire qu’Internet même s’efface au profit du Cloud, son terrible double, sa sombre progéniture.
Internet est comparable à une constellation de pavillons, de bureaux et de petits commerces, de villages aux noms qui chantent, tous reliés par de jolies routes de campagne, de larges avenues bordées de platanes, des ronds-points fleuris et des ruelles ensoleillées. Internet, qu’est-ce que c’est chouette, ce sont des fibres optiques aux couleurs chatoyantes, des gigabits de savoir qui rayonnent aux quatre coins du monde, des informaticiens dodus qui parlent en IP, des octets facétieux et de placides routeurs qui font une grande ronde autour de la Terre.
Le Cloud, en revanche, c’est comme une méchante batterie de garde-meubles qu’on trouve au bout d’une voie rapide bardée de panneaux publicitaires. C’est une sorte de Shurgard géant planté au fin fond d’une banlieue sordide où il fait nuit à 16h, une sinistre bâtisse dont les projecteurs vacillants laissent parfois paraître un chien muselé tenu par un homme sans visage. Le Cloud, oui, c’est très mal, ce sont d’énormes datacenters atomiques qui pompent du gigawatt, déboisent nos forêts et tuent les baleines, c’est un amas de barbarismes comme “règles de confidentialité” ou “respect de la vie privée”. Le Cloud, c’est un club de milliardaires en t-shirt dont les fauteuils sont faits du cuir de vos données personnelles.