A 13h32 je déposai sur une poêle un pavé de boeuf très tendre, après avoir laissé fondre une noix de beurre.
A 13h36 une envie folle me prit de faire dorer le pourtour de mon pavé de boeuf, qui n’était pas seulement très tendre mais aussi très épais. Avec l’aide d’une grande spatule en bois, je plaçai l’un de ses quatre côtés contre la poêle. La viande ne sachant tenir en équilibre par elle-même, je décidai d’appliquer une pression sur le côté opposé, ce qui la maintint plaquée et engendra un bruit de grillade. Je recommençai l’opération avec le deuxième côté, et me rappelai ce que m’avait dit la fille au café place d’Italie en septembre 2002. Par nervosité, pendant notre conversation, je jouais alors d’une sorte de tam-tam invisible à côté de mon verre, et me rendant compte de mon crescendo un peu violent, j’avais fini par « accuser le défaut » et rire de moi en lui faisant remarquer que j’étais en train de m’énerver sur la table ; elle avait haussé les épaules des yeux : « Tant que c’est pas sur moi … » Je décidai de faire griller le troisième côté.
A 13h38, après avoir fait dorer le dernier côté du pavé de boeuf, je me demandai si ce qui me faisait tant ramer avec les filles, ce n’était pas tout de même que je semblais un peu trop stressé. Je réfléchis à la question le temps d’accomplir trois quatre fois le tour de la cuisine en faisant des castagnettes avec la spatule et le couteau restés dans mes mains, et conclus que ça pouvait peut-être jouer.
A 13h39 je me dis que la communication par Internet ne laissait pas paraître l’anxiété, ce qui m’amena naturellement à penser que nous allons tous mourir un jour ou l’autre.